Newsletter 36 – Éloge d’une procrastination avisée

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procrastination positive

Les bénéfices potentiels de la procrastination

Les managers connaissent bien le tableau que l’on a appelé « d’Eisenhower », parce que le 34e président des États-Unis avait affirmé que, finalement, très peu de choses sont à la fois urgentes et importantes.

Ce qui est urgent et important, on le fait tout de suite soi-même ; on élimine ce qui n’est ni urgent ni important ; on délègue ce qui est urgent mais pas important ; enfin, on planifie ce qui n’est pas urgent mais important, autrement dit on le remet à plus tard.

Il y aurait donc une saine procrastination, en dépit de la mauvaise presse de ce comportement. 85 % des Français disent souffrir de ce travers, tout particulièrement ceux âgés de 18 à 24 ans, sans doute sous la pression de parents qui leur serinent : « Ce que tu ne fais pas quand tu y penses, pourquoi le ferais-tu quand tu n’y penseras plus ? »

Mais une procrastination avisée ne consisterait-elle pas à renoncer consciemment à faire ce que dicte l’ordre du jour pour être plus pleinement présent ?

S’accorder un moratoire pour être sûr d’agir en conscience

« J’ai obéi aux ordres », telle a été et est encore la justification de trop d’exécutants de basses œuvres guerrières totalement injustifiables.

À l’inverse, le mur de Berlin ne serait jamais tombé s’il n’y avait eu, dans la chaîne de commandement est-allemande, une telle défaillance que, faute d’ordres clairement transmis, les acteurs de terrain se sont soudain abstenus d’appliquer les consignes pourtant rigoureusement en vigueur depuis 28 ans.

En remettant à plus tard l’éventuel maintien de l’interdiction de passer à l’Ouest, ils ont contribué à changer pacifiquement le cours de l’Histoire.

Procrastiner peut donc amener à se comporter avec plus de justesse.

L’Analyse transactionnelle, très utilisée en coaching, propose son triangle des 3 P « Protection – Permission – Puissance » pour qu’on puisse déroger aux injonctions qui, bien que solidement intériorisées, heurtent notre conscience. Il importe alors de redéfinir de ce qu’il est approprié de faire, d’ignorer ou de remettre à plus tard.

En entreprise comme ailleurs, il peut être pertinent de différer l’exécution machinale d’un ordre (cf. le récent film Un Autre monde de Stéphane Brizé, dont le héros, cadre dirigeant, en vient à regretter d’avoir tant sacrifié à l’injonction de rentabilité).

 

Plus de sérénité mène à plus d’efficience

On peut donc envisager de résister à la terrible To-do list dont il faudrait absolument cocher au plus vite toutes les cases, alors qu’on ne parvient pourtant pas à en dispatcher les éléments dans son agenda déjà plein.

À chaque jour suffit sa peine : tout sacrifier à cette liste peut relever d’un activisme forcené.

Que satisfait-on en faisant tout, tout de suite ? Il conviendrait de faire un arrêt sur image, en l’occurrence l’image de soi poursuivie, et prendre le temps d’en explorer les tenants (pourquoi ai-je tout cela à faire ?) et aboutissants (pour quoi est-ce que je me démène ainsi ?).

Car différer certaines tâches peut être le meilleur moyen de garder le cap, tant sur ses propres valeurs que sur le projet-maître qu’on a mis en œuvre et dont il serait malvenu de se détourner pour d’autres devoirs finalement secondaires.

Le 25 mars prochain sera célébré, comme tous les ans depuis 2010, la journée mondiale de la procrastination instituée par David d’Equainville, écrivain et éditeur.

Il s’agit de dédramatiser l’ajournement de nos obligations, de « faire une pause pour recharger ses batteries et gagner en performance dès demain ».

Un clin d’œil bienvenu pour prendre le contrepied du rythme effréné que nous impose le monde contemporain depuis qu’il s’est mondialisé et digitalisé, et de la pression accrue depuis 2020 par la pandémie et aujourd’hui par une guerre qui impactera forcément l’entreprise via le marché déstabilisé de l’énergie et des matières premières.

 

Pour aller plus loin…

journée mondiale de la procrastination

Lancée en 2010 par David d’Equainville, écrivain et codirecteur des éditions Anabet, cette journée n’a pas de site en propre, sans doute parce que la création de celui-ci a toujours été remise à plus tard…

Le web s’en fait néanmoins l’écho dans les pays francophones.

Illustration de la téléclasse Vaincre la procrastination par l’EFT (Emotional Freedom Techniques)

coacher par analyse transactionnelle

Cet ouvrage présente de manière rigoureuse et pédagogique les concepts clés et les outils de l’analyse transactionnelle utiles pour le coach. L’auteur en montre les usages possibles pour que le lecteur, déjà familier du coaching ou de la relation d’accompagnement, puisse disposer de nouvelles procédures et modalités d’intervention. Chaque concept et outil est illustré de cas commentés qui offrent une meilleure compréhension des problématiques et esquissent des pistes pour l’action.