Newsletter 54 – Du chronomètre au bien-être : vers une redéfinition du temps en entreprise

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le temps en eantreprise

 

Nous avons échangé la rigueur du chronomètre pour une quête de sens et d’équilibre plus profond dans notre quotidien professionnel. Jadis captifs d’une productivité mécanisée, nous aspirons désormais à une existence où le travail s’intègre harmonieusement à nos vies. Comment en est-on arrivé à ces nouvelles perceptions et aspirations et comment y répondre individuellement et en entreprise ?

Produire plus et toujours plus vite

On est aujourd’hui bien loin de l’organisation prétendument scientifique du temps de travail pour toujours plus de productivité, celle initiée par l’économiste britannique Adam Smith à la fin du XVIIIe siècle et optimisée par Winslow Taylor puis Henry Ford au début du XXe siècle.

Qui aujourd’hui, pourrait se reconnaître dans l’image de Charlot, piégé dans les rouages d’une usine et qui posait déjà les questions de la place de l’homme face à l’automatisation ?

Mais la recherche de la performance ne s’en est pas moins poursuivie, en sorte que l’entreprise soucieuse d’aider ses collaborateurs « débordés » leur proposait encore il y a une dizaine d’années des formations pour une meilleure gestion de leur temps grâce à des outils de gestion, des techniques, des « trucs et astuces » d’organisation, de planification, de priorisation…

 

 

On est passé d’un vécu de temps mécanique à un temps existentiel

Il n’en demeure pas moins que si l’on observe toujours, voire toujours plus de collaborateurs ployant sous la charge de travail, le vécu du temps au travail s’est transformé.

L’avènement du numérique a fortement accéléré les rythmes et érigé la réactivité et le multitâches en nouvel impératif.

Il a aussi contribué à décloisonner les différentes sphères de l’individu, transgressant notamment la frontière longtemps sacrée entre vie professionnelle et vie privée.

En 2020, la COVID a encore bousculé l’ancien état des lieux en introduisant, partout où c’était possible, un télétravail que la plupart des collaborateurs concernés souhaitent pérenniser pour être, certains jours, dispensés des heures perdues dans les transports.

Bref, chacun désire aujourd’hui mieux maîtriser son rythme de travail en entreprise, en diminuant la part de temps subi, exprimant ainsi une quête de sens dans la gestion de son temps.

 

 

Comment accompagner cette nouvelle aspiration ?

La tech a abouti à soumettre les collaborateurs à une injonction paradoxale dont les effets peuvent être vécus comme brutaux : alors que leur cadence s’est accentuée, il leur faudrait répondre immédiatement à chaque sollicitation tout en se laissant éparpiller sur toujours plus de tâches et d’obligations.

L’entreprise, alors perçue comme voulant aller plus vite que la musique, a ainsi généré un mouvement revendiquant qu’elle ralentisse le rythme de sa machine emballée et qu’elle redonne du sens à sa finalité.

Dans le contexte de la crise environnementale globale, l’usage raisonné du temps s’est imposé comme un nouveau critère valide, dans une perspective de durabilité et de conservation.

Au tableau de la culture de l’entreprise se doivent désormais de figurer des valeurs telles que ne plus gâcher l’énergie de ses employés et leur permettre de se ressourcer. Il importe désormais de promouvoir une culture d’entreprise qui laisse également une place au temps (plus) long.

 

 

Pour une entreprise qui prend le temps de viser plus haut et plus loin

Nombre d’entreprises prennent des initiatives pour faire face à ces nouvelles attentes.

Pour le temps consacré stricto sensu au travail, les horaires sont rendus plus flexibles et des journées en télétravail sont accordées en veillant à éviter l’isolement.

Pour le sens qu’on donne à l’activité, l’entreprise décline son objectif économique en mission utile et les résultats de chacun en contribution.

Pour valoriser sa vocation sociétale, elle s’engage dans une politique de diversité et d’inclusion…

La performance durable des entreprises viendra attester de l’impact de ces pratiques au service du bien-être des collaborateurs dès lors qu’elles sont initiées et mises en œuvre de façon sincère et consistante dans les comportements au quotidien.

Sinon, le cas échéant, elles risquent d’être perçues comme autant d’artifices cédant à la mode ou comme de simples rustines ne réparant en rien un vécu négatif du temps au travail.

 

 

Et pour chacun qui doit redéfinir son essentiel

De son côté, s’il se sent soumis à une charge de travail qui l’épuise et parfois le met en échec, le collaborateur se doit de questionner son propre engagement :

quel impact veut-il avoir ?

quelle est sa valeur ajoutée ?

de quoi veut-il être fier ?

à quel projet souhaite-t-il contribuer ?

quels sont les renoncements et les remises en cause majeurs nécessaires ?

Il se voit questionner lui-même dans sa liberté et responsabilité de l’usage de son temps.

 

Et vous, comment la prise de conscience que « le temps, c’est la vie » pourrait-elle influencer vos désirs et vos résolutions ?

 

Pour aller plus loin…

Fondation Travailler autrement.« Le temps de travail : de sa durée légale aux vécus quotidiens », étude de la Fondation Travailler Autrement. Disponible en ligne.

Pour réaliser cette étude, la Fondation a opté pour une posture inédite en sortant d’une vision du temps de travail strictement quantitative au profit d’une analyse plus complète sur les quatre vécus du temps : maîtrisé, régulé, élastique ou subi.

 

 

 

entreprise lieu pour hommeL’Entreprise : un lieu pour l’homme. Les fondamentaux en question, sous la direction de Marc Grassin, 2016, Editions de la Chronique sociale.

Le monde est humain dans la mesure où les hommes peuvent l’habiter comme un lieu fait pour eux. Qu’en est-il de l’entreprise ? Est-elle un lieu humain ? Est-elle un lieu pour l’homme ? Cet ouvrage collectif est conduit par le fil directeur de cette question. Nous savons tous qu’en la matière, la diversité est grande. Au creux de l’hétérogénéité, nous devons penser les conditions pour que l’entreprise ne perde pas de vue ce qui la porte et lui donne fondamentalement sa pleine signification.
L’entreprise, ce lieu pour faire, peut-il devenir un lieu pour être ?