Newsletter 60 – La robustesse…pour une performance durable

Partager cet article :

robustesse compromis

 

Et si la performance ne se mesurait pas uniquement à l’efficacité immédiate, mais aussi à la capacité de résilience ? Face aux crises et aux incertitudes, la robustesse, inspirée des mécanismes du vivant, s’impose comme une clé pour allier adaptation et pérennité. Redéfinir la performance, c’est apprendre à durer, au-delà du sprint, pour exceller dans le marathon.

La face cachée de la valeur performance

Imaginons un manager capable de faire courir le 100 mètres à son équipe en 9,58 secondes comme le recordman du monde Usain Bolt… Belle performance, certes, et utile à certains moments nécessitant un dépassement et un surcroit d’engagement face à la concurrence ou dans le cadre du lancement d’un produit ou d’une réorganisation.

Cependant, la pérennité de l’entreprise nécessite autant de gagner un sprint qu’un marathon.

Or, à force de se focaliser sur certains indicateurs de performance à court terme, pris comme objectifs (en même temps que les gratifications qui peuvent ponctuellement s’y rattacher), on fausse l’appréciation des résultats, ainsi que l’a démontré l’économiste Charles Goodhart : « Lorsqu’une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure. » De même que la carte n’est pas le territoire, la mesure n’est pas la réalité.

À trop prendre la seule performance comme critère, non seulement on peut déclencher des effets-rebonds contreproductifs, mais de plus on risque de fragiliser certains collaborateurs avec toutes les conséquences qu’on sait en matière de risques psychosociaux.

 

L’inspirant modèle du vivant : priorité à la robustesse

Toute organisation qui veut (sur)vivre s’enrichirait à prendre modèle sur des organismes qui savent si bien le faire : les plantes.

Les récents travaux de Olivier Hamand, chercheur en biologie et biophysique à l’Institut à l’École normale supérieure de Lyon, montrent que les végétaux, loin de rechercher la performance en permanence, réduisent au contraire leur efficacité pour gagner en résilience. Ce faisant, elles s’adaptent mieux au changement, surtout en situation de crise. Le vivant mise donc sur la robustesse qui consiste à maintenir le système stable et donc viable malgré les fluctuations.

Contre toute attente mais de façon totalement démontrée par la science, la robustesse du vivant se construit par beaucoup d’inefficacité, d’hétérogénéité, d’incertitude, de lenteur, de redondance, d’incohérence et d’inachèvement ! Sérieux ?

 

La nature pour « modèle » de performance durable

Si la performance demeure une priorité pour l’entreprise, on ne peut que constater que dans le capitalisme contemporain, en particulier dans le monde d’inspiration anglo-saxonne, des entreprises comme Boeing, ou Stellantis, par exemple, se sont enfermées dans des logiques de performance, de réduction des coûts ces dernières années. Face à une baisse de leurs résultats, elles ont répondu avec encore plus de logiques de performance, au lieu de changer de modèle. Cela a fonctionné à court terme, mais là, ça ne marche plus, ce sont des modèles qui sont à bout de souffle.

La robustesse de la nature peut inspirer l’entreprise dans sa performance durable (RSE) favorisant la résilience face aux crises, une vision préventive, d’adaptabilité et de prise en compte de l’écosystème. A l’instar de la logique du vivant, la recherche des équilibres coopératifs peut être plus efficient que la concurrence interne.

 

Des clefs de la nature pour (sur)vivre dans un monde fluctuant

Et si les organisations adoptaient les principes de la nature : résilience, collaboration et circularité ?

Face à la raréfaction des ressources, certaines entreprises innovent. Darty, avec son service Darty Max, mise sur la réparabilité des produits pour prolonger leur durée de vie, tandis que Breizhelec, en Bretagne, répare des machines agricoles pour renforcer les circuits locaux. Ces démarches illustrent une transition vers des modèles basés sur la coopération et la durabilité.

En Italie du Nord, des entreprises mutualisent leurs moyens, relocalisent et tissent des réseaux coopératifs. Ces efforts, bien qu’exigeants, augmentent leur résilience face aux crises et aux risques de délocalisation.

Des plateformes comme robustesse.be et robustesse.fr accompagnent ce mouvement en proposant des KRI (Key Robustness Incentives). Ces indicateurs renforcent la capacité des entreprises à s’adapter, complétant les KPI traditionnels.

 

Une prétendue loi du plus fort à réviser

Quel avantage aurions-nous, managers, Dirigeants, DRH, coachs, à réviser notre adhésion systématique à l’atteinte immédiate des objectifs, la fiabilité, la réduction des zones d’incertitude, le refus des aléas, l’évitement des erreurs et des défauts ?

En ajustant, modulant, complétant cette disposition ancrée en nous, par l’acceptation des erreurs et des défauts (voire leur valorisation – cf l’esprit Kintsugi – News 52), un ralentissement salutaire, encore plus de diversité… ne serions-nous pas plus aptes à tenir la distance avec l’énergie et la force nécessaires au dépassement des crises.

Et vous ? Quels sont vos « secrets » (bien gardés et/ou à partager) pour ancrer votre performance du présent dans une pérennité vertueuse et utile à tous ? Etes-vous conscient de cette précieuse qualité et vous la reconnaît-on, notamment parce que vous feriez mieux face aux crises ?

 

Sources :

 

Pour aller plus loin…

Olivier Hamant RobustesseAntidote au culte de la performance : La robustesse du vivant, de Olivier Hamant, 2023, Gallimard, 64 p.

« La nature menacée devient menaçante : notre excès de contrôle nous a fait perdre le contrôle. Il va maintenant falloir vivre dans un monde fluctuant, c’est-à-dire inventer la civilisation de la robustesse, contre la performance. »

Et si, pour être sobre et durable, il fallait d’abord questionner une valeur nettement plus profonde : l’efficacité ? Le monde très fluctuant qui vient appelle un changement de civilisation. Ce chemin demande surtout de valoriser nos points faibles et inverse toutes les recettes.

Conférence en ligne sur : https://www.youtube.com/watch?v=DvU4jKnzT1I

selosse nature et prejugesNature et préjugés. Convier l’humanité dans l’histoire du vivant, de Marc-André Selosse, 2024, Actes Sud, 448 pages.

Les êtres humains ont trop longtemps bricolé avec leurs connaissances du moment. En observant le vivant, l’auteur déconstruit les préjugés qui nous ont empêchés de comprendre la nature (y compris humaine) et d’ajuster nos actions en conséquence.

Ses histoires de microbes, de plantes et d’animaux sont édifiantes : intelligence végétale, compétition naturelle, autonomie, équilibres naturels, séductions humaines et parades animales…

Le lecteur ressortira enthousiaste de ces explorations, parfois troublé dans ses convictions quotidiennes. Au fil de cette odyssée profondément humaniste, se dessinent avec clarté l’essence et l’espoir de nos vies : notre lien aux vivants, qui pourrait nous sauver de nos errements.