Newsletter 52 – À l’impossible (perfection), nul n’est tenu

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Les enseignements de l’art japonais du Kintsugi pour cultiver ses imperfections

 

Personne n’est parfait

En hommage à l’époustouflant talent de Johnny Wilkinson qui ne cessa de battre le record de points marqués en rugby à XV, ses co-équipiers de l’équipe d’Angleterre l’avaient humoristiquement surnommé « Nobody ».

Pourquoi ? Parce que « Nobody is perfect ».

Cette prétendue perfection, nul ne peut évidemment y prétendre, et notamment pas les collaborateurs qui, en entreprise, subissent un retour si négatif, sur un échec ponctuel ou leurs limites du moment, qu’ils peinent à s’en remettre.

Ils peuvent alors avoir le sentiment qu’on les a lâchés après qu’ils ont pourtant tout donné, que leur confiance a été trahie et que leurs espérances seront toujours déçues. S’ils persistent, malgré leur épuisement, dans leurs efforts rendus vains du fait d’une surcharge de tâches qu’ils n’ont pas su prioriser, ils risquent de sombrer dans le fameux burn-out, dont on sait comment on y rentre mais pas forcément comment en sortir.

La première étape de leur possible résilience est de commencer par admettre leur incapacité à « tout bien faire » dans une situation où ils ne disposaient manifestement pas des moyens nécessaires, tant sur le plan de ce que le contexte leur fournissait que sur celui de leur personnalité propre.

 

Admettre son imperfection

Il n’est pas facile, au moment où l’on flanche, de convenir qu’on est d’abord la victime de son propre idéal de perfection et de ses effets pervers.

Pour échapper à ce piège mental, les maîtres en poterie japonaise qui sortaient jadis de leur four un objet sans aucun défaut s’empressaient de le retourner pour en rayer le fond avec humilité. Afin de dissiper l’illusion d’un « parfait état durable », il convient de mettre le curseur au bon niveau, là où la recherche de l’excellence ne doit pas se laisser dévoyer vers l’abusive exigence de perfection.

Cela impose évidemment plus de bienveillance envers soi-même et la suspension de son propre jugement accablant. La reconnaissance de sa part de vulnérabilité est nécessaire pour demander l’aide adéquate.

L’entreprise et les RH peuvent emprunter les chemins du care management pour faire accepter au collaborateur ses points de fragilité, l’accompagner avec bienveillance, mettre en place un partage fructueux avec ceux qui ont su dépasser des expériences difficiles, favoriser un environnement de travail où l’ouverture et l’entraide prévalent. Les valeurs de solidarité et d’authenticité au sein de l’entreprise s’en trouveront renforcées.

 

En sortir par le haut

kintsugi imperfectionsEn 1888, Nietzsche écrivait dans Le Crépuscule des idoles : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » L’épreuve à laquelle on survit laisse néanmoins des cicatrices. Pourquoi ne pas les porter comme autant de trophées ? C’est à quoi nous invite l’art japonais du Kintsugi, littéralement « jointure en or ».

Depuis le XVe siècle, il consiste à restaurer des porcelaines ou céramiques brisées en dorant subtilement les endroits de leurs anciennes fêlures. Les œuvres ainsi réalisées s’en trouvent magnifiées, encore plus belles qu’auparavant. Elles nous démontrent qu’on peut sortir enrichis des chocs endurés au point d’en être fiers.

Un tel processus rend toute expérience vertueuse, si difficile fût-elle à supporter. On gagne à lui redonner sa place en s’employant à en transformer la teneur : par exemple, n’a-t-elle pas donné l’opportunité de « se compléter » en acquérant de nouvelles compétences ou en assumant de nouveaux rôles ?

Ce cadre de contraintes a pu servir de catalyseurs d’innovation, de sources d’inspiration créative. Une telle approche favorise la résilience.

 

 

Imparfait ici, mais là, tellement talentueux !

Comment peut-on croire que, sur la durée, on fera toujours face au stress, qui peut être généré par tant de causes : incertitude liée au changement, surcharge de travail, inflation d’informations, absence de gratification, baisse de la convivialité, manque d’autonomie, etc.

Un jour où l’autre, les circonstances finiront par atteindre notre talon d’Achille. Comment mieux le connaître pour éviter de se retrouver comme l’oiseau fauché en plein vol ? Renoncer au fantasme de pouvoir être « bon partout et tout le temps », c’est aussi mieux comprendre là où l’on est vraiment talentueux.

Les joueurs de bridge ou de belote le savent bien : les jeux déséquilibrés entre les quatre couleurs sont souvent les plus intéressants.

Où brillez-vous le plus et qu’est-ce qui manque à la donne de votre singularité ? Par leurs exploits, les athlètes paralympiques en font sans cesse la preuve : loin de les abattre, la conscience de leur point de fragilité les a menés à pleinement valoriser leur force.

Et vous dans laquelle de vos « brisure » et « réparation » réside votre plus grande force ?

 

Pour aller plus loin…

livre kintsugiKintsugi, l’art de la résilience. L’art de se reconstruire, guérir et se transformer, de Céline Santini, illustrations de Caroline Donadieu, photographies de Myriam Greff, 2019, Pocket.

Cet art japonais ancestral de la « jointure en or » invite à réparer un objet cassé en soulignant ses cicatrices de poudre d’or. Souvent perçu comme une forme d’art-thérapie pour accompagner la résilience, il suit un cérémonial lent et minutieux, qui requiert patience et concentration. Jour après jour, semaine après semaine, étape par étape, l’objet sera nettoyé, pansé, soigné, guéri et sublimé. Enrichi de contes, de conseils et d’exercices pratiques, cet ouvrage accompagne votre processus de guérison, que vos blessures soient physiques ou émotionnelles, à travers les différentes étapes traditionnelles de la réalisation d’un kintsugi.

 

 

resilienceCe qui me rend plus fort, de Alexis Hanquinquant, à paraître en mars 2024, City.

Alexis Hanquinquant était basketteur puis boxeur en full contact, discipline où il devient champion de France en mai 2010. Deux mois plus tard, il est victime d’un accident de chantier qui broie sa jambe droite. En septembre 2013, il demande à se faire amputer puis, deux ans plus tard, se lance dans le para-triathlon. En 2016, il participe à ses premiers championnats de France à Montluçon où il décroche l’argent. Repéré par le responsable de l’équipe de France de para-triathlon, il devient imbattable en remportant cinq titres consécutifs de champion du monde puis, en 2021, celui de champion paralympique aux Jeux de Tokyo. Il vise à présent le titre aux JO de Paris…