Newsletter 33 – Tenir bon et lâcher prise peuvent-ils se conjuguer ?

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Deux types de comportements contradictoires
« Mon dieu, donnez-moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux changer, et la sagesse de distinguer entre les deux », disait Marc Aurèle, l’antique empereur philosophe. C’est bien ce à quoi nous invite la pandémie qui, en impactant l’économie mondiale, n’en finit pas de bouleverser nos vies professionnelles. Dans un contexte plus changeant et incertain que jamais, il nous faut à la fois tenir bon face aux obstacles qu’on estime devoir et pouvoir dépasser et lâcher prise quant aux façons de faire et de se conduire qui deviennent périmées. Mais comment ne pas les confondre ? Et comment trouver le juste équilibre entre deux savoir-être si opposés ? L’entreprise et chacun de ses collaborateurs sont donc sommés de pratiquer un discernement qui ne sera pertinent qu’à condition d’évoluer en fonction des situations locales et du contexte global.

Un choix qui n’est pas si évident
Si une clientèle consommatrice de jus de fruits préfère finalement un emballage transparent qui laisse voir le produit, l’entreprise doit-elle renoncer à l’emballage carton recyclable qu’elle vient de lancer ou plutôt tenir bon malgré la baisse des ventes, en misant que son orientation vertueuse finira par payer ? A l’heure où la pandémie persistante incite à réduire les contacts, une entreprise dont le personnel est très majoritairement dans la production sur site doit-elle, par souci d’équité, tenir bon en imposant le présentiel à tous, ou plutôt lâcher prise en accordant une part de distanciel aux fonctions supports (RH, finances, communication), légitimement désireuses de bénéficier de cette évolution sociétale ? A l’heure de la communication devenue digitale, quelle est la juste posture : lâcher prise en s’adonnant aux messages brefs et faciles d’accès qui permettent de gagner en visibilité sur les réseaux sociaux et de grimper dans le classement Google, ou bien tenir bon sur un certain niveau d’exigence quant à la qualité de leur contenu ?

Comment tenir bon et lâcher prise à bon escient ?
Tenir trop bon alors qu’il faudrait s’adapter, c’est dévoyer sa ténacité en obstination dommageable : ne gagnerait-on pas à redéfinir les objectifs, à réexaminer l’intangibilité de certaines contraintes, à renouveler tels process, à renoncer à des comportements devenus obsolètes et dès lors contre-productifs, voire toxiques pour soi et autrui ? S’arcbouter sur des positions révolues fait courir le risque d’être vite dépassé puis broyé par l’impossible atteinte des résultats visés.
Lâcher trop vite prise en désertant certains fondements est tout aussi dangereux : on s’épuise en remettant sans cesse tout en question et en s’adonnant à une réactivité excessive qui peut faire lâcher la proie pour l’ombre. Renoncer trop vite pour se réorienter à tout bout de champ fait courir le risque d’être déboussolé et de se perdre.
Comment tenir bon et lâcher prise à bon escient ? Ce n’est pas si évident. Imaginons un aciériste européen qui doit choisir entre maintenir une production sur un site français alimenté par de l’électricité nucléaire dont le prix a triplé ou la délocaliser sur un site allemand alimenté par des centrales à charbon : maintenir au plus bas ses coûts de production, est-ce tenir bon dans un marché terriblement concurrentiel ou est-ce lâcher prise quant à sa contribution à la transition énergétique ? Soutenir la décarbonisation de sa propre industrie, est-ce tenir bon l’engagement des nations à la toute récente COP26 de Glasgow ou est-ce lâcher prise en renonçant à la nécessité de dégager le meilleur profit pour pérenniser l’entreprise et ses emplois à long terme ?

Ne jamais perdre de vue sa raison d’être
Responsabilité sociale (RSE), développement durable, digitalisation du monde, résilience face à la pandémie… Confrontées à ces défis, chaque entreprise et chaque équipe en son sein se voient de plus en plus souvent interpellées par la question de savoir sur quoi tenir bon parce que c’est leur raison d’être, et sur quoi lâcher prise pour rebondir avec agilité et innovation. Il en va de la responsabilité des managers et de leurs collaborateurs de ne pas tout admettre sous prétexte de lancer une opération ou de faire une réorganisation, alors qu’ils ploient déjà sous la charge. Quelles sont nos priorités, quels points (objectifs, calendrier) pouvons-nous réviser, en quoi gagnerions-nous à nous renouveler ? Pour y répondre, il est aujourd’hui plus vital que jamais de connaître et réaffirmer la nature de notre essentiel individuel et collectif : le cap à poursuivre, les valeurs auxquelles on ne dérogera pas, les projets qui donnent sens à notre engagement.

Pour aller plus loin…

 

Lâcher prise sans laisser tomber – le pouvoir de la pleine conscience
Coco Brac de la Perrière, Fayard – 2015

Le stress, la pression, autant d’éléments parasites qui nous brident, nous empêchent de vivre pleinement.
Coco Brac de la Perrière propose une manière d’être, simple, efficace, pour apprendre à lâcher prise, à vaincre une angoisse souvent paralysante.
La Pleine Conscience prodigue un état d’ouverture à soi et au monde. Lâcher prise ne signifie pas laisser tomber, mais faire le choix de laisser faire les choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Se sentir bien dans sa vie privée et se sentir mieux dans sa vie professionnelle, c’est possible et c’est à portée de main, là, ici et maintenant..

 

 

Entreprises à mission et raison d’être – Changer l’entreprise pour un monde plus durable
David Autissier, Luc Bretones, Emery Jacquillat, Thierry Sibieude, Didier G. Martin
Collection Stratégie d’entreprise, Dunod – juillet 2020

70% des salariés désengagés, de jeunes qui refusent d’entrer dans des grands groupes, le salariat qui ne fait plus recette, une image négative des entreprises sont autant de signaux forts et faibles qui invitent les entreprises à se réinventer pour être en adéquation avec les attentes sociétales. Il y a donc urgence pour l’entreprise de comprendre le pourquoi de cette désaffection, d’analyser les nouveaux ressorts d’engagement des collaborateurs et d’inventer ou de co-inventer avec eux de nouvelles formes de travail.