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La diversité, une politique pas seulement RSE

 

Une adhésion quasi-unanime : la diversité est une richesse
De nombreuses entreprises françaises affichent désormais avec fierté des politiques dites de « diversité », illustrées par une présence significative, parmi les collaborateurs, de membres issus des mondes de la diversité ethnique, sociale, culturelle, ou du handicap, le plus souvent physique.
Un paradoxe demeure : tout le monde considère officiellement que la diversité est une richesse pour l’entreprise alors qu’en fait, elle ne se met en place, et inégalement, que sous la pression voire la contrainte légale, comme celle de quotas de femmes dans les hautes instances et de personnes handicapées dans le personnel. Une réelle conviction partagée que la diversité est une richesse devrait rendre inutiles ces contraintes. La seule bonne gestion, rationnelle et rigoureuse, devrait y pourvoir et, par exemple, rendre inutile voire contre-productif l’anonymisation des CV.

Pourquoi alors tant de freins ou de réticences ?
On peut, en y réfléchissant, identifier des causes de trois ordres : instinctives, socio-culturelles et idéologiques.
Tout d’abord, des instincts archaïques, souvent inconscients, peuvent nous porter à considérer que les qualités féminines s’exerceraient moins bien dans le milieu dirigeant de l’entreprise, dominé par des comportements de pouvoir, d’autorité et de compétition réputés masculins. Ces mêmes instincts grégaires peuvent suggérer que des individus physiquement ou culturellement différents constitueraient, sinon une menace, du moins une source d’incompréhension compromettant l’entente harmonieuse au sein du collectif.
Une deuxième raison à cette réticence résulte étonnamment d’une volonté initiale de rendre possible la diversité socio-culturelle. Les dirigeants républicains de la fin du XIXe et début du XXe siècle ont voulu mettre fin à la domination bourgeoise et aristocrate en faisant émerger les meilleurs éléments des classes sociales populaires. Ils ont forgé un idéal : la méritocratie, un outil : l’école de la République laïque, obligatoire et gratuite, et des valeurs républicaines, parmi lesquelles la considération portée à ceux qui y réussissaient. Cette politique d’inclusion des classes inférieures par l’école a produit, un siècle après, un comportement d’exclusion à l’égard de ceux qui n’y avaient pas réussi.
On doit enfin citer la confrontation idéologique entre deux visions de la société. La première considère que le développement de notre civilisation repose notamment sur la croissance économique que permettent les entreprises, dont l’efficacité repose sur des compétences professionnelles avérées, quand la seconde estime que cette civilisation se constitue d’abord par le respect de tous ses membres dans leur diversité, et donc leur intégration égale dans tous les espaces, quelles que soient leur origine et leur compétence.

Quel argument évident aujourd’hui doit nous y conduire ?
Tout au long de son œuvre, Edgard Morin décrit brillamment la complexité que développe notre civilisation et, pour s’y confronter, la nécessaire émergence d’une pensée elle-même complexe. Il nous explique combien nous devons changer de paradigme, modifier nos schémas mentaux et renoncer à une pensée simplificatrice, afin de pouvoir gérer cette complexité croissante. Il nous décrit les principes de cette nécessaire pensée complexe, dont celui de « savoir distinguer sans disjoindre et associer sans identifier ou réduire », et pour « comprendre, multiplier les points de vue ».
Nous avons là, de fait, un manifeste de la diversité, une définition de ses apports, un plaidoyer de sa richesse, une plaidoirie pour sa mise-en-œuvre.
Elle sera d’autant mieux acceptée qu’elle reflètera, non pas une diversité des origines sélectionnée pour elle-même, mais une variété de talents, de compétences, de potentiels, d’idées nouvelles et originales, bref, d’apports, possiblement issus de cette diversité des origines. Pour bien vivre cette évolution, nous avons souvent besoin d’être convaincus que « ceux qui ne nous ressemblent pas » sont effectivement recrutés pour ce qu’ils savent faire de bien et/ou de différent, et non pas seulement parce qu’ils sont différents.

Comment mettre en œuvre cette diversité des apports ?

  • Par une volonté déterminée des dirigeants et des DRH, expression d’une conviction expliquée et étayée. Il y faudra en effet du temps et de la ténacité. L’homogénéité produit son efficacité rapidement, quand la diversité ne révèle sa richesse qu’au fil des événements, des décisions, du temps. Gérer la conformité est confortable ; associer le différent est incommode et consommateur de tolérance et de patience.
  • Par un système de recrutement et de promotion qui permette à la diversité d’exister à tous les niveaux de l’entreprise. Les plafonds de verre sont les illustrations de politiques inachevées reconnaissant l’apport de la diversité dans l’exécution et l’opérationnel mais la niant de fait dans la réflexion et la direction. Or l’estime de soi, nécessaire à tous, exige que ce soit bien la diversité des compétences et des potentiels qui fonde la reconnaissance en milieu professionnel, et qu’à compétence égale, une diversité d’origine ne bloque pas une promotion.
  • Par une formation adaptée aux diversités, conservant l’originalité de leur apport et permettant l’intégration heureuse dans la réflexion et le fonctionnement collectif et l’appréhension des codes d’intégration. Des formations à l’interculturel existent d’ores et déjà et constituent un premier exemple.
  • Par l’utilisation des compétences portées par cette diversité. Recruter de la diversité est insuffisant si ça ne débouche pas sur l’appel aux compétences de ses représentants, par une participation active et suivie aux groupes de réflexions et aux instances de décisions, par une implication dans le fonctionnement et le développement de l’entreprise.

La diversité n’est pas une vitrine, c’est un moteur.

Aux États-Unis, la diversité au coeur des enjeux d’image et de recrutement


Dans ce pays à l’origine de la « discrimination positive », les entreprises américaines semblent plus sensibles qu’ailleurs aux questions de diversité. Si elles ne sont pas réellement soumises à des obligations légales de respecter des quotas ethniques ou de parité, elles sont bien conscientes qu’il s’agit d’un enjeu déterminant, ayant même des conséquences sur leurs performances.

La question de la diversité s’est posée dès le début des années 60 aux États-Unis. C’est le président John Kennedy qui, avec son « affirmative action », a posé en 1961 les bases de la discrimination positive. Une mesure destinée à l’origine à favoriser l’accès des Afro-Américains aux universités, à une époque où l’armée a dû intervenir dans plusieurs états du sud du pays pour permettre à des étudiants noirs de poursuivre leurs études. La discrimination positive permet ainsi en théorie aux grandes universités de ne pas fonder leur décision d’intégrer ou non un étudiant uniquement sur ses résultats, mais aussi sur son origine ethnique, de façon à offrir aux différentes communautés une meilleure chance d’accéder à des études supérieures. Mais plusieurs états américains ont voté la fin de cette disposition au fil du temps, comme la Californie, le Texas ou la Floride…

« La DRH m’a poussé à engager un candidat un peu moins diplômé et qualifié »
Depuis 1965, les entreprises travaillant avec l’État fédéral ont l’obligation de prendre des mesures de « discrimination positive » en vue d’augmenter les chances d’accès à l’emploi des minorités. Et s’il n’existe pas d’obligation de quotas, les entreprises privées ont pour la plupart dû intégrer une politique de diversité dans leur recrutement. Jean-Michel, un Français arrivé à New York en 2011 comme Directeur marketing d’une grande maison d’édition, a d’abord été surpris lorsqu’il lui a fallu recruter un chef de projet : « J’avais plusieurs CV de profils intéressants, mais la DRH m’a poussé à engager un candidat un peu moins diplômé et qualifié. Sur le moment, je n’ai pas compris et je me suis même demandé si ce n’était pas quelqu’un de proche d’elle… Jusqu’à ce que le CEO m’explique en tête-à-tête que nous n’avions pas beaucoup de collaborateurs d’origine hispanique et que c’était important de respecter un « certain équilibre » ». En fait, même si la loi ne contraint effectivement pas les entreprises américaines à respecter des quotas ethniques, celles-ci craignent plus que tout le jugement de leurs clients, de leurs partenaires et aussi de leurs employés… Le « naming and bashing » peut vite détruire la réputation d’une entreprise sur les réseaux sociaux, et une marque peut même être rapidement la cible d’une campagne de boycott aux conséquences financières désastreuses.

« La diversité compte plus que le talent »
Par ailleurs, le recrutement de talents est aujourd’hui un véritable enjeu, particulièrement aux États-Unis où le taux de chômage est au plus bas (3,6 %). Les candidats sont de plus en plus attachés à trouver une entreprise porteuse de valeurs et certainement pas soupçonnée de favoriser l’embauche de membres d’une seule communauté. Ce qui pousse même les grands groupes à être particulièrement proactifs.
« Nous allons directement recruter des étudiants sur les campus en expliquant que le marché de la mode et du luxe n’est pas réservé à une élite », explique par exemple Laure, Responsable communication dans une entreprise de cosmétiques. « Nous n’avons pas le droit de cibler l’une ou l’autre des communautés dans nos recrutements, mais nous pouvons en revanche nous rendre dans telle université plutôt que telle autre, dans des quartiers plus sensibles. Et nous finançons aussi des associations qui travaillent à promouvoir l’intégration ».
Une question d’image et de réputation ? Pas uniquement… Beaucoup d’entreprises américaines sont aujourd’hui conscientes que la diversité est un vrai facteur de performance. Scott Page, professeur à l’université du Michigan et Directeur du Centre pour l’étude des systèmes complexes, affirme que « la diversité compte plus que le talent »¹. Pour lui, les groupes culturellement divers peuvent surmonter plus facilement un manque d’expérience et même surpasser des équipes possédant davantage de compétences. Les équipes composées d’individus trop proches culturellement seraient plus susceptibles de produire des idées toujours identiques et seraient donc moins innovantes. La diversité permettrait d’imaginer des solutions plus variées et créatives.

« Une formation « découverte de la diversité » »
Une approche confirmée par un rapport de McKinsey & Company², résultat de l’étude de 366 entreprises cotées de différents secteurs d’activité aux États-Unis, mais aussi au Canada, au Royaume-Uni et en Amérique Latine. « Il est désormais de plus en plus clair que la diversité fait sens en termes de business », écrivent ses auteurs. « Les entreprises avec un haut niveau de diversité raciale et ethnique sont 35 % plus à même d’avoir des résultats financiers supérieurs aux niveaux médians de leur secteur, tandis que celles avec une parité et une diversité ethnique et raciale faibles non seulement échouent à être en tête de leur secteur mais sont aussi à la traîne ». Il y a donc une corrélation entre les entreprises qui favorisent une forte diversité en ce qui concerne l’origine de ses collaborateurs et celles qui réussissent.
À tel point que les formations à la diversité sont même devenues aux États-Unis un passage presque obligé pour pouvoir prétendre à des postes de management. « Nous proposons également une formation « découverte de la diversité » à tous nos collaborateurs, quelle que soit leur origine, pour les sensibiliser à cette question », confirme Laure, « et les retours sont excellents ».
Pour autant, il reste encore un long chemin à parcourir : si l’« affirmative action » à l’université a favorisé l’intégration plus large des différentes communautés dans la société, les Afro-Américains notamment ont aujourd’hui toujours deux fois plus de chances d’être au chômage, et lorsqu’ils ont un emploi, leurs revenus restent inférieurs de près de 25 %.

  1. Scott E. Page, 2008. The Difference : How the Power of Diversity Creates Better Groups, Firms, Schools, and Societies, Princeton University Press.
  2. Why diversity matters

La diversité selon eGoPrism


Faire bon accueil à la diversité en entreprise peut relever de différentes stratégies comportementales dans la grammaire d’eGoPrism. En premier lieu, c’est la mobilisation de l’Innovation qui prédispose le plus à s’intéresser à tout ce qui repousse les frontières de notre carte mentale, à commencer par les personnes qui se distinguent par quelque singularité visible. Cette Innovation peut se combiner à d’autres potentiels pour décliner l’ouverture d’esprit : avec la Communication, elle devient curiosité qui facilite le contact ; avec la Transmission, elle se traduit en envie de tirer quelque enseignement général à partir de l’expérience particulière d’autrui ; avec la Négociation, on est surtout disposé(e) à faire converger des points de vue différents, autrement dit à aborder positivement chaque approche, alors qu’un couplage de l’Innovation avec l’Intégration incite à accueillir les nouveaux venus par simple sens de l’hospitalité. Même si l’Innovation démobilisée amenuise la tolérance à ce qui rompt avec les habitudes, la mobilisation conjointe de l’Intégration et de la Négociation peut y surseoir : avec ces deux potentiels conjointement mobilisés, on se fait devoir de manifester respect et considération à tous ceux qui, de fait, appartiennent au même collectif que nous.
Et vous, êtes-vous enclin(e) à aller vers ceux qui ne cadrent pas d’entrée avec vos propres codes ? Sauf à être compensé par l’Innovation ou la Solidarisation tout aussi partisane de la discrimination positive (ces potentiels du quartier Vision misent sur un brassage profitable des idées et des parcours), un binôme Spécialisation-Négociation mobilisé risque de vous faire préférer ce qui est convenu en toute chose, y compris les codifications socio-culturelles dominantes. Jusqu’à ce que votre Spécialisation, constatant la compétence avérée d’autrui, l’habilite, quelle que soit sa différence…

En pratique
A un journaliste qui lui demandait si sa cécité ne l’avait pas trop gêné dans sa carrière, Ray Charles répondit en éclatant de rire : « Pas trop. Cela aurait pu être pire : j’aurais pu être Noir ! ». Sa répartie n’est finalement drôle que parce que son génie artistique était déjà reconnu, en dépit de son handicap et de la forte ségrégation raciale américaine de l’époque. Pour les managers aussi, permettre la manifestation de la compétence et du talent est bien la voie royale pour que la diversité existe en entreprise comme dans la société.

 

Nous avons aimé…

Ted talks – Rocío Lorenzo : « How diversity makes teams more innovative »

Les entreprises diverses sont-elles vraiment plus innovantes ? Rocío Lorenzo et son équipe ont interrogé 171 entreprises pour le découvrir – et la réponse a été un oui clair. Dans une conférence qui vous aidera à bâtir une entreprise meilleure et plus robuste, Lorenzo plonge dans les données et explique comment votre entreprise peut commencer à produire des idées plus fraîches et plus créatives en traitant la diversité comme un avantage concurrentiel.

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« La vitesse de la confiance de Stephen » – M.R. Covey et Rebecca Merril
Publié par Mango Publishing – date de parution : mars 2019

Un livre pour trouver l’ingrédient essentiel de l’épanouissement et de la performance. Que vous soyez manager, chef d’entreprise, parent ou passionné par la psychologie, La Vitesse de la confiance vous aidera à sortir de situations parfois compliquées en rétablissant confiance et optimisme. Un modèle profond, pratique et complet. Expert en motivation, Stephen M. R. Covey a contribué à la réussite exceptionnelle de milliers d’entreprises et d’individus. Les principes de La Vitesse de la confiance s’appliquent toujours et partout, qu’il s’agisse du rapport à soi, d’une relation avec quelqu’un, du cadre d’une famille, d’une entreprise, d’une école, d’une administration, d’une unité militaire ou d’une ONG.

« Exposition « GRECO »  » – Grand Palais, Galerie Sud-Est – du 16 octobre 2019 au 10 février 2020

Cette rétrospective est la première grande exposition jamais consacrée en France à ce génie artistique.
« El Greco » tient une place particulière dans l’histoire de la peinture : celle du dernier grand maître de la Renaissance et du premier grand peintre du Siècle d’Or.
Ce sont les avant-gardes européennes qui, au tournant des XIXe et XXe siècles, redécouvrent Greco, éblouis par son œuvre à la fois fougueuse et électrique, inscrivant son nom à côté du leur dans le grand livre naissant de la modernité.

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