Newsletter 1 – Changer : du désir à la réalité

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De l’engagement collectif au changement individuel

Ce début d’année semble marqué par une profonde envie de changement.
Un changement qui ne serait pas lié aux traditionnelles et un peu désuètes « bonnes résolutions », si souvent évoquées et presque jamais suivies. Mais plutôt à une aspiration plus forte, exprimée d’ailleurs par l’engagement collectif dont les médias se sont largement fait l’écho ces derniers mois.

 

Comment cette aspiration se traduit-elle au niveau individuel dans un monde qui n’a jamais paru aussi axé sur le court terme ? Voici quelques pistes pour bâtir de véritables projets, avec des objectifs clairs, en passant enfin de l’intention à la mise en œuvre d’un véritable changement durable.

Nourrir sa motivation profonde
Changer est tout sauf facile. Changer des habitudes souvent ancrées depuis des années exige non seulement de la persévérance, mais aussi d’accepter les épreuves qui permettront d’atteindre le résultat escompté. Si vous voulez arrêter de fumer, il vous faudra en passer par la sensation de manque et la souffrance qu’elle engendre. Décider de ne plus travailler le week-end entraînera également son lot de difficultés : accepter de ne plus exercer un contrôle permanent sur son activité, de lâcher prise, peut aussi engendrer une forme de manque, et même paradoxalement, au moins dans un premier temps, de stress.
La clé d’un changement réussi, professionnel comme personnel, passe donc par une réflexion profonde sur notre motivation, sur ce qui nous pousse à poursuivre le résultat que l’on souhaite atteindre. Décider d’agir au-delà de l’immédiat, s’engager dans un processus de changement, prendre sa vie en main : on se prépare à sacrifier des plaisirs immédiats à l’atteinte d’un objectif supérieur mais plus éloigné dans le temps. Prenons donc un peu de temps pour réfléchir à ce qui a réellement du sens pour nous.

Faire preuve de maîtrise de soi
Il  y a plus de deux mille ans, Socrate vantait la maîtrise de soi comme une condition du bonheur et d’une vie sociale à la fois utile et réussie.  « La maîtrise de soi est l’autre nom que nous donnons au fait de nous changer nous-mêmes. C’est de loin le moyen le plus abouti de nous adapter à notre environnement. En effet, le désir de maîtriser notre environnement est profondément ancré dans notre psychisme. Il a fondé l’engagement de l’être humain dans la science, la politique, l’économie et les arts », affirme Roy F. Baumeister, professeur de psychologie à la Florida State University1. Il s’agit donc d’agir pour ne plus subir : exercer sa liberté et sa responsabilité plutôt que de se réfugier dans l’impuissance en raison de circonstances atténuantes externes. Se maîtriser ne suffit pas, encore faut-il faire preuve de constance pour maintenir l’effort dans la durée, en dépit des turbulences environnantes : il nous faut alors pratiquer dans la durée un plan concret, mais aussi ces vertus morales que sont la résolution, le courage, etc. Et pour les acquérir, il nous faut longuement, patiemment, les cultiver, afin qu’elles deviennent en nous, par l’habitude, une seconde nature.

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Et si les événements récents nous montraient que le collectif joue un rôle crucial dans la cristallisation de nos projets individuels, en particulier lorsque le monde est en mouvement permanent ? Dire son projet, le dévoiler, n’est-ce pas prendre un engagement devant les autres, en faire des témoins, mais aussi se rassurer en le confrontant à des projets similaires ? Quel rôle alors pour les managers dans la consolidation des projets de leurs collaborateurs ?

  • Écouter, accueillir les projets individuels de développement et les soutenir.
  • Favoriser la participation à une aventure partagée.
  • Jouer un rôle de catalyseur, permettre à chacun de s’accomplir, de se dépasser…

Autant d’attitudes managériales positives qui agiront non seulement sur la qualité du travail collectif, mais donc également sur la réalisation de nos changements individuels.

1. “La Volonté à l’épreuve”, par Roy F. Baumeister, in Cerveau & Psycho, n° 73, janvier 2016

Les Finlandais, champions de l’innovation et du changement


Petit pays de 5,5 millions d’habitants, la Finlande figure régulièrement en tête des classements pour la qualité de son système éducatif, le dynamisme de ses entreprises et, plus généralement, la rapidité de son adaptation aux évolutions du monde. Marika Sohlberg, board member à la chambre de commerce franco-finlandaise, nous donne quelques pistes pour en comprendre les raisons.

 

La Finlande est l’un des pays les plus innovants au monde. Est-ce dû à son système éducatif, réputé comme l’un des plus performants ?
Marika Sohlberg :
En effet, le système éducatif finlandais est l’un des plus performants et des plus respectés au monde. Sa force repose peut-être sur l’égalité, c’est-à-dire que tout le monde, quels que soient ses résultats scolaires, a la possibilité d’étudier jusqu’au niveau universitaire. Les enseignants sont bien formés et leur profession valorisée. Comme nous sommes un petit État privé de capitaux, nous avons toujours misé sur la compétence pour assurer notre avenir et notre compétitivité. Notre système éducatif s’est adapté à l’évolution des besoins et des rôles des individus, des entreprises et de la société.
L’innovation est probablement aussi une réponse à la nécessité de la Finlande de se renouveler continuellement. Notre population est celle qui vieillit le plus rapidement en Europe, donc le taux de dépendance des personnes âgées augmente. De nombreuses innovations technologiques en matière de santé ont été apportées pour résoudre ces problèmes. La Finlande a ainsi créé une forte concentration de projets innovants, et les étudiants jouent un rôle de premier plan dans le secteur des nouvelles entreprises. Par exemple, l’événement mondialement connu SLUSH1 a été imaginé par eux.

L’entrepreneuriat social est également très développé en Finlande : près de la moitié des start-up finlandaises possèdent une finalité sociale ou environnementale. Les Finlandais sont-ils plus sensibles à ces questions ?
M. S. : La Finlande et les Finlandais sont profondément préoccupés par le changement climatique. Les start-up ne veulent pas rester sans agir et, de ce fait, essaient de trouver des solutions responsables pour demain. Nous devons lutter contre le réchauffement de la planète, sinon tout le reste est inutile. La société finlandaise veut aussi prendre soin des plus faibles. Dans son ensemble, la Finlande tente de trouver (entreprises et start-up comprises) des moyens de parvenir à la croissance en développant des technologies de pointe au service du développement durable.

Plus généralement, les Finlandais semblent moins craindre le « changement » ou l’expérimentation. Même dans le domaine judiciaire, par exemple, où la Finlande privilégie les centres ouverts à la prison ?
M. S. : C’est sûrement lié à une question de caractère, et aussi à l’éducation, encore une fois. Notre haut niveau d’éducation, notre histoire et notre culture finalement jeunes nous rendent plus audacieux et plus prompts à accepter le changement. D’une certaine manière, c’est même une nécessité. Au cours des cent dernières années, notre développement a été spectaculaire, de sorte que le changement a toujours été présent dans notre vie quotidienne. Nous avons également constaté que le changement nous fait avancer et nous offre une réelle opportunité pour une vie meilleure.
Le Finlandais est droit, direct, responsable et humble ; avec une force de caractère très particulière que nous appelons le « Sisu »3. La France est un grand pays, aimé et reconnu dans le monde entier, doté d’une culture très riche, d’un vrai savoir-faire et de savoir-vivre. Le Français est parfois peut-être un peu râleur et fier et, par conséquent, moins ouvert au changement que nous ne le sommes. Mais nous devons tous nous adapter et rester à l’écoute face à un changement inévitable et nécessaire pour notre futur et celui de nos enfants.

  • 1. Un événement qui réunit chaque année à Helsinki plus de 20 000 fondateurs de start-up et de porteurs de projets innovants (Slush)
  • 2. La Finlande a fêté le centenaire de son indépendance le 6 décembre 2017.
  • 3. Un terme finnois qui n’a pas d’équivalent en français et qui se traduit littéralement par « tripes ». Il vient d’une très ancienne croyance selon laquelle la force prendrait sa source dans le ventre.

Le potentiel d’intervention


Intervenir, remettre en question, dresser le constat qu’il faut que « ça change », que « ça bouge » est plus que jamais d’actualité. Qu’en est-il en entreprise ?

• Dans sa définition eGoPrism :
On dit que bien poser un problème, c’est l’avoir à moitié résolu. Encore faut-il reconnaître qu’il y a un problème, ce qui revient forcément à interrompre le cours machinal du quotidien. L’état des choses tel qu’il existe devra être modifié, mais en convenir n’indique pas comment s’y prendre, ce qui peut être inconfortable.

 

C’est cette disposition à remettre en cause soi-même et son environnement qu’apprécie le potentiel d’Intervention.

  • S’il est mobilisé, on ose (se) poser les questions qui dérangent. À partir de faits symptomatiques signalant un dysfonctionnement, on s’emploie à déduire quels peuvent en être les causes profondes et les mécanismes à l’œuvre. Si ce diagnostic est bien mené, on discerne alors les leviers à actionner pour opérer un changement salutaire.
  • Avec un potentiel d’Intervention démobilisé, on voudra au contraire préserver le statu quo. L’omelette vaut-elle vraiment qu’on casse des œufs ? Le remède ne risque-t-il pas de tuer le malade en le privant de trop de repères familiers ? Ne vaut-il pas mieux rafistoler les quelques avaries sans chercher plus loin ?
  • Le potentiel d’Intervention du manager est bien sûr plutôt bien mobilisé puisqu’il est de sa responsabilité de pratiquer la critique constructive : celle qui cherche à améliorer la performance des dispositifs, mais aussi celle qui vise à développer ses collaborateurs en leur signalant sur quels points ils gagneraient à progresser.

Point trop n’en faut cependant quand on soulève un problème épineux. Le processus de changement amorcé par le potentiel d’Intervention ne doit pas virer à la contestation stérile de toute l’activité, ni à la dénonciation dévastatrice des personnes. Il convient donc qu’il soit suffisamment compensé par une Communication également mobilisée, pour que le débat argumenté recherche des solutions les plus appropriées. Car là où l’Intervention exhorte à transformer radicalement le réel, la Communication appelle à s’adapter en tenant compte du contexte tel que peuvent l’instruire les divers acteurs impliqués.

Et vous ? Qu’en est-il de votre potentiel d’Intervention ? Est-il hyper-mobilisé au point qu’on redoute le mordant de votre critique et votre dramatisation des situations ? Ou bien hyper-démobilisé, auquel cas votre besoin de stabilité vous incite à endiguer toute crise et votre défense des acquis vous pousse à résister au changement ?

• Alors, comment s’y prendre en pratique ?

Voilà des années que l’on parle d’entreprises « en transformation », de la nécessité de s’adapter sans cesse à un monde toujours plus complexe et volatile, au prix parfois de sérieuses remises en cause des habitudes et des modes de management collectifs et individuels. Et par ailleurs, il est demandé à ces mêmes managers de « conduire le changement », de manière à rassurer et à limiter la casse sociale. C’est bien à ce paradoxe-là que les managers sont confrontés aujourd’hui : faire bouger en profondeur sans bloquer le système.
Un récent article de la Harvard Business Review (Chroniques d’experts, Stratégie, 19/04/2018) soulignait l’intérêt que les entreprises pourraient avoir à s’inspirer des entrepreneurs pour intervenir et remettre en question leurs pratiques :

  • 1. Démarrer avec ce qu’on a, pas ce qu’on aimerait avoir, en s’appuyant sur l’organisation et son identité. Ne pas se contenter d’attendre que l’initiative vienne d’ailleurs, et encore moins d’en haut, libérer les possibles.
  • 2. Agir en raisonnant en pertes acceptables : les programmes de transformation veulent faire tout, tout de suite. Or, en matière de changement comme d’entrepreneuriat, il vaut souvent mieux commencer petit, pour pouvoir voir plus grand ensuite.
  • 3. Obtenir des engagements des parties prenantes : la plupart des procédures imposées aux collaborateurs ne tiennent pas compte du fait que l’organisation est avant tout une construction sociale. Il s’agit donc de convaincre pas à pas chaque partie prenante de s’engager dans le projet, de manière à créer une dynamique collective.
  • 4. Tirer parti des surprises : il s’agit de saisir l’instant inattendu (une remarque d’un collaborateur, un échec ou une décision) pour questionner les croyances sur lesquelles repose le plan initial. Ce questionnement peut alors amener à envisager une alternative plus pertinente et à quitter un plan désincarné, pour entrer pleinement dans la vie de l’organisation.
  • 5. Créer le contexte : loin d’imposer un changement venu d’en haut où tout est pensé à l’avance, il s’agit de créer un contexte dans lequel les nouvelles façons de voir les choses sont mises en œuvre quotidiennement et les managers peuvent retrouver un vrai pouvoir d’influence.

Il y a vingt ans, une chercheuse américaine d’origine indienne (Saras Sarasvathy, Academy of Management Review, vol. 26, 2001) donnait à cette approche le nom barbare « d’effectuation ». Il faut bien constater qu’aujourd’hui, une transformation durable ne résulte pas seulement du pouvoir d’intervention de la hiérarchie ou de quelques superhéros, mais bien de son appropriation par les collaborateurs. Ces principes simples pourraient bien remettre la balle dans leur camp et libérer les entreprises du modèle de pensée selon lequel le changement doit venir d’en haut.

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